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Heidegger et Van Gogh

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Essayons d'approcher le goût, souvent significatif, de Heidegger...  Sa philosophie dit-on est codée à l'attention des nazis de l'époque, au lieu d'adhérer ouvertement, directement aux SS. Tout dans sa philosophie serait embrumé pour occulter son soutien à Hitler, en cachette au lieu de faire le geste bien connu du salut nazi (comme s'il fallait s'en cacher en cette époque lointaine de surenchère). Il est vrai, l'adhésion de Heidegger à la mauvaise cause est connue et certains textes attestent d'un vacillement politique vraiment inquiétant comme d'autres ont vacillé semble-t-il. Mais avant cette période? Avant cette monstrueuse ingnominie? Si j'ai bien compris, il faudrait le lire comme s'il était question dès le début d'une ontologie qui est celle des chemises noires, depuis leur fond obscur, nuit des longs couteaux, et pactiser avec la thèse des ariens originaires? Dans "Sein und Zeit" tout déjà ferait sens en direction du nazisme. Il pourrait même en être la cause, le "vieux con", et inspirer le rédacteur de "Mein Kampf" -certains le pensent, même si ce dernier ne lisait pas grand chose. Mais c'est du premier comique si par aventure on jette un oeil aux références de 1931. Ainsi de l'unique exemple du peintre qui montre ce qu'est une "chose", qui donne vision de ce qui fait accès à l'Etre - et ce n'est pas à un peintre nazi que Heidegger se réfère (il y avait là l'embarras du choix pourtant). Point du tout! C'est Van Gogh, le peintre fou, le peintre dégénéré, le tzigane nomade, condamné par le régime. Comment faire entrer cette thèse de l'Etre -et de la marche d'un pauvre taré ou la vision d'une sentinelle perdue- comment faire entrer cela disais-je dans la chasse aux "peintres dégénérés" commise par le nazisme qui a d'ailleurs détruit certains tableaux de Van Gogh [1] (et avec lui un "dasein" nécessairement paumé, comme celui de Hölderlin sacrément peu glorieux à en croire le rejet, le peu d'égard à son oeuvre qu'il avait injustement enduré de son vivant)? Si on peut ne pas être redevable à Heidegger des pensées nouvelles sachant que ni Foucault ni Deleuze n'avaient souscrit à ses thèses, qui peut cependant le condamner sans rendre compte de cette singularité ontologiquement fondamentale? Parce que s'il faut tout brûler de Heidegger, il faut également expliquer cette référence qui ne rentre pas dans le système laborieux des lectures supposées faire l'effet d'un scoop... Je ne partage pas du tout l'analyse de Van Gogh par Heidegger et on s'est beaucoup étendu sur sa méconnaissance de l'oeuvre, surtout à travers des critiques qui se contentent d'en rester au plan de l'histoire de l'art. Mais, c'est sans penser au caractère décalé, voir emblématique de cette référence, le peintre raté étant très peu encensé en 31, si ce n'est par Artaud, un autre grand raté, contemporain du philosophe, et dont le destin n'a rien à envier à Hölderlin.

JCM
[1] par exemple "Les amants, jardins des poètes IV"


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