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Ni moderne, ni postmoderne, ni réactionnaire : quelques remarques sur la postface de Tristan Garcia à "Algèbre de la tragédie"

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La qualité d’une postface se mesure le plus souvent à sa capacité à épouser à la fois deux mouvements bien distincts mais réconciliables : en même temps qu’elle doit éviter de trahir le propos de l’auteur pour ne pas verser dans la ventriloquie idéologique, elle doit jeter un nouvel éclairage sur son œuvre et permettre de la redécouvrir sous un angle fertile. Cette capacité se révèle de façon manifeste dans la postface de Tristan Garcia à Algèbre de la tragédie, « Critique et rémission ». Serrant de près les dix premières pages du génial ouvrage de Mehdi Belhaj Kacem, le texte de Tristan Garcia porte au jour certaines des plus fécondes potentialités contenues – tantôt implicitement, tantôt explicitement – dans l’œuvre de l’écrivain-philosophe, et prolonge ces potentialités par un développement personnel qui fait écho à Forme et objet. Un traité des choses. Parce que l’essai de M. B. Kacem a déjà fait l’objet de certains commentaires et entretiens, dont un fut publié sur le présent blogue, j’aimerais centrer ici mon analyse sur la postface elle-même dans l’intention d’expliquer pourquoi, articulée à d’autres idées disséminées dans l’œuvre de Garcia, elle mérite d’être lue comme une contribution de premier plan au problème de l’épuisement de la modernité, de la postmodernité et de la pensée réactionnaire.
« [P]etit frère de théorie […] qui partage un héritage avec [Algèbre de la tragédie], pren[d] exemple sur lui mais choisi[t] un autre chemin de pensée et de vie » (p. 247), la postface de Tristan Garcia met en relief deux idées directrices et complémentaires présentes dans l’ouvrage de M. B. Kacem. D’une part, à travers le concept de « fatigue du négatif » (p. 262), elle fait comprendre que la modernité s’engage dans une voie aporétique lorsqu’elle appelle de ses vœux le dépassement incessant des règles. À demander à tous et chacun de créer, désobéir, trahir de façon originale le passé et le présent, la modernité nous place devant un étrange dilemme : ou bien nous obéissons à l’impératif de désobéissance et devenons conformistes, réussissant et ratant en même temps et sous le même rapport ; ou bien nous désobéissons à cet impératif, nous cessons d’innover et devenons réactionnaires. D’autre part, toujours à partir d’une analyse de l’esprit moderne, Tristan Garcia révèle l’une des conséquences les plus marquantes du processus de singularisation. De la même manière qu’Adorno disait de l’art qu’il risque de n’être plus rien à force d’être tout et n’importe quoi, la singularité moderne paraît susceptible de perdre son identité propre à force de se répandre dans tous les champs de l’expérience ; car si toute personne aspire à être singulière et que « l’exception devient la règle » (p. 265), la singularité se voit amputer de la différence dont elle dépend pour être ce qu’elle est et s’affaisse du même coup – elle « ne s’annihile pas, elle s’épuise. » (p. 268) Une fatigue historique se fait dès lors sentir qui emporte sur son passage non seulement l’exigence de renouvellement incessant, mais encore le concept même de singularité.

Deux solutions possibles : la critique et la rémission

La postface de Tristan Garcia est l’occasion de tirer au clair deux solutions possibles à ce problème moderne. La première, il la perçoit dans l’œuvre de Mehdi Belhaj Kacem : c’est celle qui consiste à cibler une nouvelle différence fondamentale, le Mal et la Tragédie (p. 270), à négocier avec cette différence et à redonner ainsi aux singularités une altérité à laquelle s’opposer. Cette réponse « projette de maintenir la critique [moderne] contre la critique » (p. 249), parce qu’au lieu de renoncer à faire front au monde, elle implique d’affronter ses aspects pernicieux. La seconde solution remédie autrement au problème de la « perte d’intensité » (p. 270) qu’engendre l’évidement de la singularité moderne. Elle correspond à l’alternative qu’adopte et défend l’auteur de la postface. Pour l’essentiel, elle consiste à rechercher une issue à l’épuisement de l’esprit en traversant à la hâte la modernité elle-même. Ici, « la pensée se fixe pour but de désintensifier la crise, d’affaiblir la résistance de l’Esprit lui-même, de cesser de s’opposer quoi que ce soit, pour au contraire hâter le nihilisme jusqu’à son terme – dans l’espoir qu’il en ait un – et de passer à autre chose. » (p. 273) Plutôt que d’identifier une nouvelle forme de Mal et de critiquer de l’intérieur l’esprit de la modernité, qui pâtit sans cesse davantage de sa quête de singularité, Tristan Garcia tente en effet de pousser cet esprit jusque dans ses derniers retranchements pour faire apparaître une zone de rémission. Pourquoi privilégier cette option ? Et comment la mettre en place afin de répondre à la dépression vers laquelle nous pousse la modernité ?
On pourrait résumer le fil conducteur du projet de Garcia par une question laconique : comment penser rigoureusement sans être ni un « moderne à l’ancienne », ni un postmoderne qui dissout le réel en un flux évènementiel, ni un réactionnaire qui se vante d’innover en cessant d’innover [1] ? Ni un moderne à l’ancienne, parce qu’il développe une pensée rémissive qui va au-delà de la critique, de l’acte de juger l’esprit occidental « depuis une autre culture » (p. 253) et du refus d’employer le langage chosal pour caractériser le monde ; ni un postmoderne, parce qu’il tient compte à la fois du devenir intensif et de son extériorité au lieu de faire des choses une sorte de « construction » ou de « projection volatile » [2] ; ni un réactionnaire, parce que le retour en arrière n’est pas pour lui une fin en soi et qu’il ne renoue pas avec la « substantialité qui tend à compacter l’être » [3], Tristan Garcia veut se tenir « à égale distance » entre ces trois postures. Philosophe de l’extrême centre, au sens non pas politique mais ontologique du terme, il se fait le partisan d’une vaste réconciliation de l’histoire avec elle-même ainsi que d’une traversée progressive de cette histoire et tout particulièrement de sa phase moderne. Sa position se justifie en ces termes : « Disposant de la platitude ontologique non pas comme d’un fond ou d’un fondement ontologique mais comme d’une ligne de jauge, d’une égalité qui lui permet de défaire tout relativisme, tout perspectivisme, tout libéralisme, en se représentant leur inconséquence au regard d’une véritable platitude, l’esprit est délivré des sortilèges de la singularité immédiatement commune, de la différence immédiatement identique, et des “tout se vaut” vulgaires : il a affronté la platitude où le général n’est pas moins (mais pas plus) que le singulier, où l’inexistant n’existe pas moins que l’existant, où le contradictoire est autant que le possible, où la partie vaut très exactement le tout (mais où le tout vaut aussi la partie), où chaque occurrence de n’importe quelle entité est égale à cette entité, où le faux compte, et le vrai aussi. » (p. 297-298)
C’est qu’il s’agit toujours chez Tristan Garcia de traverser des moments, des options, des positions afin d’enrichir une ontologie qui, loin d’endosser le principe du rasoir d’Occam, multiplie les entités dans une quête asymptotique du Tout. Cela explique d’ailleurs que son travail d’écriture l’amène à s’aventurer vers les objets les plus divers, de la question de l’être humain jusqu’à celle des séries télévisées, en passant par l’animal, l’exploration spatiale, l’image, le sport et les « anges déchus » tentés dans leur jeunesse par le radicalisme politique... Cela explique également qu’il soit question dans sa postface de critique et de rémission. De critique, parce qu’il ne fait pas une croix sur la distance qu’il est possible de prendre vis-à-vis de certaines positions auxquelles on souscrit aujourd’hui ou souscrivait jadis. Et de rémission, parce qu’il tient compte de chacune de ces positions sans jeter froidement l’anathème sur elles, évitant ainsi d’attiser tout ressentiment. La rémission promue par Tristan Garcia constitue en fait un projet si rédempteur qu’il étreint à la fois la possibilité d’une distance critique et la possibilité d’aller au-delà de cette distance : il contient en germe tour à tour le désir critique et le désir de s’en prendre au ressentiment qui émane parfois de la critique ; il excuse le jugement et la volonté de dépasser le jugement (Nietzsche, Deleuze), l’objectif étant d’aller au-delà de la critique moderne sans culpabiliser pour autant tout esprit critique. Pour témoigner de sa solidarité à l’égard de celui qui emprunte une voie quelque peu différente de la sienne, Tristan Garcia va d’ailleurs jusqu’à dire, dans un élan de générosité aussi subtil que fécond, que la pensée critique de M. B. Kacem recèle elle-même un certain appel « à la rémission, à l’après » (p. 304) ; de sorte qu’il tend la main à son vis-à-vis pour le convier à faire un pas supplémentaire dans sa direction – s’il le veut bien.
Une invitation est ainsi lancée à qui souhaite le suivre dans son projet rémissif où toutes les entités du monde seraient réconciliées d’un point de vue ontologique. Et, en la matière, Forme et objet demeure à ce jour la meilleure expression de sa volonté rémissive. En abordant tour à tour les objets dans leur isolement ontologique puis dans leur rapport les uns par rapport aux autres, Garcia conjugue deux méthodes pour aller au plus près d’un monde qu’il cherche à envisager de manière exhaustive : il « dé-détermine » [4] les choses puis les « re-détermine » – gestes sur lesquels il revient aussi dans « Critique et rémission » en insistant surtout sur le premier. D’aucuns lui reprocheront peut-être de vouloir embrasser un si grand nombre de choses qu’il rend a priori impossible l’atteinte de son objectif. Mais Tristan Garcia n’est pas dupe. Bien conscient de l’incapacité de l’esprit humain à viser d’un seul coup la totalité des choses, il semble suggérer, tout au plus, que la finitude ne doit pas nous empêcher de reconnaître un égal statut ontologique à toutes choses – que nous visions ou pas l’ensemble de ces choses dans l’immédiat. Il importe donc moins à ses yeux pour l’esprit humain de connaître en acte la nature de chacune des choses de l’Univers, que d’affirmer que chaque chose présente et à venir possède et possédera un égal droit à l’existence, y compris les contradictions et les faits négatifs. Car « le quelque chose […] c’est ce qui, lorsqu’on le nie, est affirmé autant, ni plus ni moins, que lorsqu’on l’affirme. » (p. 280)
Certains s’interrogeront peut-être sur les conséquences éthiques d’une telle pensée irénique. À accorder à tout une égale dignité ontologique, Tristan Garcia s’engagerait-il, qu’il le sache ou non, qu’il le veuille ou non, sur la pente de la contemplation éternelle de toute chose et du statu quo ? On serait trop sévère en répondant par l’affirmative. Car l’ontologie de Tristan Garcia ne prétend pas sonner une énième fin de l’histoire : voulant en finir avec le thème de la fin tout en prenant en considération ses diverses manifestations historiques, cette ontologie rémissive représente une phase dans une vaste entreprise de pensée qui pourra être prolongée dans l’avenir. Il s’agit donc en quelque sorte d’une étape, mais non de la moindre des étapes, car elle est censée procurer « adoucissement et miséricorde » (p. 272) à l’esprit et le libérer peu à peu de sa fatigue, de son désespoir, de son épuisement à se poser en singularité à côté d’autres singularités. Cette étape pourrait d’ailleurs à mon avis s’accompagner de l’effort de surmonter un présupposé, celui selon lequel il est forcément désolant de découvrir qu’on est une singularité parmi d’autres.
En fait, si bon nombre de singularités ont tendance à déprimer en rencontrant la multitude croissante de singularités qui les entourent et font paraître chacune d’elles de plus en plus commune, c’est en partie parce que certaines d’entre elles préfèreraient, qu’elles l’avouent ou non, être moins nombreuses voire les seules à briller singulièrement. Gageons toutefois que cette préférence élitiste et individualiste, renforcée par le contexte historique, pourrait être remplacée par un sentiment plus constructif, l’ébahissement. Au lieu de se sentir accablé par le nombre grandissant de singularités exceptionnelles, pourquoi ne pas reconnaître dans au moins certaines d’entre elles un digne motif d’étonnement, un moteur de pensée, une source d’inspiration pour l’action ? N’est-il pas réjouissant que de plus en plus de singularités excellent et contribuent au devenir de l’univers, cette « machine à faire des dieux » (Bergson) ? Cette multiplication permet en tout cas d’atténuer le fossé qu’on aime parfois à voir entre les êtres. Tristan Garcia ne formule pas au grand jour ce nouveau motif de réjouissance, parce qu’il met l’accent sur la possibilité d’accélérer la modernité pour la mener à son point de rupture, mais ce motif pourrait selon moi contribuer à résorber, au moins temporairement, le sentiment d’épuisement propre à la modernité en prévision d’un éventuel dépassement. Le diagnostic de Garcia a donc beau être tout à fait pénétrant, il pourrait sans doute être complété par un travail de conversion du regard : celui qu’on porte sur la banale exceptionnalité des autres et de soi-même.

Littérature et philosophie : l’axe majoritaire/minoritaire est-il pertinent ?

Bien que ce soit dans sa postface à Algèbre de la tragédie qu’il formule avec le plus de netteté sa solution au problème moderne, on voit se dessiner ailleurs dans son œuvre plusieurs réflexions qui vont en ce sens. En mettant en parallèle certains passages éloquents à ce sujet et le propos de sa postface, j’aimerais faire ressortir l’existence d’une oscillation qui m’apparaît féconde et révélatrice entre, d’une part, la volonté de Tristan Garcia d’aller au-delà du geste critique moderne et, d’autre part, son souci (encore moderne) d’innover. Loin de chercher à faire éclater au grand jour une contradiction chez lui, je chercherai ainsi à montrer en quoi différents travaux de Tristan Garcia anticipent avec cohérence son désir de se situer à cheval entre la critique et la rémission – la seconde venant accueillir gentiment la première comme son amie ou sa petite sœur repentante. Où se révèlent ces anticipations ? En quoi sont-elles fructueuses ? Elles se font jour notamment à travers un dialogue sur les minorités dans un chapitre magnifique de La meilleure part des hommes. Pour y voir plus clair, rappelons d’abord en quelques mots en quoi consiste l’une des théories contemporaines de la minorité, celle de Deleuze.  
Comme il l’indique dans sa « Lettre-préface à Jean-Clet Martin » [5], et comme Mehdi Belhaj Kacem le rappelle dans l’incipit d’Algèbre de la tragédie, Deleuze n’est pas du tout allergique à l’idée de système. Au lieu de mettre au socle de sa pensée l’identité et la fixité, il y place cependant de nouvelles notions : le devenir, la multiplicité, la différence, le virtuel. L’une des conséquences éthiques qui en découlent correspond à sa théorie de la minorité. D’après ce qu’on peut déduire de Mille Plateaux et de Kafka. Pour une littérature mineure, une minorité est à définir non pas quantitativement, mais qualitativement, c’est-à-dire « par le devenir ou la flottaison » [6] qu’elle est en mesure d’accroître. Est minoritaire une culture opprimée, dévalorisée et multiple, mais « affectée d’un fort coefficient de déterritorialisation » [7]. Pour Deleuze, il n’incombe pas à une culture minoritaire de chercher à renverser l’ordre établi pour remplacer le pouvoir par un autre pouvoir ; il lui faut plutôt essayer d’embarquer dans un devenir la culture majoritaire pour stimuler le mouvement vital par un « exercice de minoration » [8]. En l’occurrence, de deux choses l’une. Ou bien l’on est issu d’un groupe majoritaire et l’on doit « trouver son propre point de sous-développement, son propre patois, son tiers monde à soi, son désert à soi » [9] : c’est ce que fait Deleuze lorsqu’il assèche la langue française. Ou bien l’on est issu d’un groupe minoritaire dont on doit « pratiqu[er] et lib[érer] l’expression » par un « discours indirect libre » [10] : c’est ce que fait Pierre Perrault lorsqu’il donne à entendre dans ses documentaires la francophonie québécoise, minoritaire en Amérique du Nord.
Au fait de l’importance qu’a acquise au cours des dernières décennies l’axe majoritaire/minoritaire, Tristan Garcia associe dans « Critique et rémission » l’esprit critique au souci de minoration et souligne que le statut (très recherché) de minorité est susceptible d’être intégré à une stratégie dont peuvent se réclamer tout autant la gauche que la droite :

Qui se croit aujourd’hui majoritaire dans son époque par la pensée ? Personne. C’est le propre de l’esprit critique. Dans son essai, The Blank Slate : The Modern Denial of Modern Nature, Steven Pinker décrit ainsi son époque comme rétive au concept de Nature, encombrée de préjugés des sciences sociales. Pour livrer son diagnostic d’antinaturalisme, il remonte à l’empirisme (la tabula rasa en faveur de l’acquis) aussi bien qu’au romantisme.
Ouvrez en regard un livre de sociologie bourdieusienne : le diagnostic vous paraîtra bien différent. Dans La Domination masculine, par exemple, est présentée comme « intellectuellement dominante » la tendance des psychologues à naturaliser leurs objets.
De même un essai libéral, par exemple l’opuscule de Raymond Boudon, qui se demande Pourquoi les intellectuels n’aiment pas le libéralisme ?, commencera immanquablement par une dénonciation à la manière de Raymond Aron de « l’opium des intellectuels », donc de l’antilibéralisme des professionnels de la pensée.
Tout au contraire, dans les essais de Daniel Bensaïd sur Marx l’intempestif ou les « temps discordants », ce qui est exposé au lecteur, c’est le tableau d’une époque de soumission de la plupart des intellectuels et de la pensée dominante au néolibéralisme.
Aussi, un lecteur du Nouvel Ordre écologique de Luc Ferry verra se dessiner une peinture de son temps marquée par la convergence de lignes environnementalistes, utilitaristes et obsédées par la souffrance animale. Alors qu’un lecteur habitué aux ouvrages de Peter Singer se représentera plutôt un temps présent sous la coupe de préjugés spécistes et humanistes, aveugles aux intérêts des individus des espèces non humaines.
Tout diagnostic de la modernité qui précède une critique est donc stratégique.
Fort logiquement, le critique de l’Esprit doit, pour s’identifier, diagnostiquer la victoire de son ennemi.
Ouvrant Algèbre de la Tragédie par un constat d’antihégélianisme, Mehdi Belhaj Kacem n’échappe pas à la règle et se situe lui-même : il définit ce par rapport à quoi, dans son temps, il se retrouve en position de minorité stratégique. (p. 257-258)

Ce qui ressort de ces remarques, c’est que le statut de minorité peut être volontiers employé à des fins stratégiques, quel que soit le camp politique ou intellectuel auquel on est associé. Aucun penseur n’a en effet intérêt à être dépeint comme « le reflet de son époque », « l’esclave de la culture ambiante » ou une « conséquence immédiate du monde dans lequel il vit ». Personne ne se présente comme un auteur « bien-pensant » et « politiquement correct » et, si quelqu’un devait un jour se présenter ainsi, il le ferait sans doute sous prétexte de renverser une pratique répandue. Soucieux à la fois de démontrer son originalité et l’intérêt de sa posture dans le contexte actuel, chaque intellectuel a tendance à suggérer, ou tout au moins à laisser entendre, qu’il faut faire preuve d’audace pour défendre la cause qu’il défend, ou bien encore que son « ennemi est […] dominant. » (p. 256) Les exemples éloquents que donne Tristan Garcia pourraient d’ailleurs être complétés par de nombreux autres, de toutes allégeances politiques. En accordant une importance à l’axe majoritaire/minoritaire, Deleuze était bien sûr d’avis que seules certaines revendications progressistes concordent avec ce qu’il juge être la véritable minorité (la critique du capitalisme, la mise en cause de l’appareil d’État, la dénonciation de l’individu souverain...) ; mais les exemples relevés par Tristan Garcia montrent bien que la gauche n’a pas l’apanage du discours centré sur la minorité.  
Bien qu’il faille rappeler que l’œuvre littéraire de Garcia n’est pas l’illustration pure et simple de sa pensée philosophique, ses romans et ses essais ne fonctionnent pas pour autant en vase clos et certains recoupements occasionnels demeurent possibles entre eux. Ainsi, dans un passage truculent de La meilleure part des hommes, roman qui s’intéresse au mouvement homosexuel de la fin du XXsiècle, l’écrivain met en scène des personnages qui s’accusent l’un l’autre d’être « majoritaires ». Le premier, Leibowitz, issu « lointainement » de l’extrême gauche, écrit un article dans Libération qui s’intitule « Être de gauche aujourd’hui, c’est rompre avec la gauche et son esprit majoritaire » [11]. Il manifeste alors son appui à la droite en arguant qu’il s’agit là d’« un acte de résistance à la rébellion factice » [12] et que l’hostilité générale qu’il s’attire de la part de la gauche ne fait que confirmer la position minoritaire qu’il occupe à droite. Un second personnage, Willie, est plutôt d’avis que « [ç]a ne veut rien dire, penser contre la pensée unique », car, précise-t-il, « [l]e problème, avec l’esprit de l’époque, […] c’est que tu peux pas juste toujours penser que t’as raison, […] parce que t’es convaincu que tu penses contre ton époque, contre la majorité – parce que bon, t’es jamais, jamais sûr, en fait, de repérer ce que c’est ton époque, où c’est ? » [13] Il en conclut qu’il importe moins de chercher désespérément à faire contrepoids à l’esprit de l’époque que d’« être fidèle » à ses convictions profondes, qu’elles soient conformes ou pas à ce qu’on juge être, pour une raison ou une autre, le reflet de cette époque.  
À l’aune de cette réflexion de Willie qu’on devine être à peu près celle de Tristan Garcia lui-même (le narrateur dit « Merci Will »), il semble que deux objections principales puissent être adressées à ceux qui estiment que l’axe majoritaire/minoritaire doit prévaloir en philosophie. D’une part, en s’assignant la tâche de « lutter contre la pensée unique », ils tendent à perdre de vue les exigences du monde même et à faire de la politique une simple joute de positionnement stratégique. Au lieu d’adopter une pratique qui réponde aux exigences concrètes des acteurs sociaux, c’est-à-dire aux besoins réels qui s’imposent de manière objective, ils prétendent diagnostiquer l’air du temps et cherchent à tout prix à le renverser, se targuant d’être en constant porte-à-faux avec leur époque. La théorie des minorités semble en effet avoir pour conséquence absurde de nous inviter à cibler un lieu commun et à tâcher de le renverser uniquement parce qu’il s’agit d’un lieu commun. À l’encontre de cette théorie, n’est-il pas plus louable de se pencher sur des problèmes politiques et ontologiques précis et de produire le discours le plus argumenté possible au moment de prendre position – que ce discours soit original ou pas, inédit ou connu ? N’est-il pas préférable de répéter une vérité commune plutôt que de prendre plaisir à défendre pour la première fois quelque absurdité ? Deleuze pourrait répondre qu’il ne prête pas le flanc à cette objection. Car, bien qu’il ne soit pas le chantre de la communication et appelle en quelque sorte à combattre la pensée unique, le consensus, le repli dans l’unité, ce n’est pas par positionnement stratégique ni par insouciance à l’égard du réel lui-même qu’il nous invite à mener ce combat. Son système philosophique repose sur les notions de devenir et de multiplicité (c’est-à-dire le réel en soi selon lui et Bergson [14]), qu’il cherche à respecter par un appel au bris de la communication. Il n’en demeure pas moins que tous ceux qui ne croient pas, au contraire de Deleuze et de Bergson, que le réel en soi correspond à la multiplicité et au devenir sont susceptibles de sombrer dans un jeu de positionnement stratégique lorsqu’ils visent à gagner le camp des minorités par simple esprit de contradiction – ce qui est plutôt le cas de Leibowitz.
D’autre part, parce que l’on ne dispose d’aucun détecteur de l’air du tempset qu’on ne peut établir avec certitude et exactitude à quoi correspond le camp dominant d’une époque, les philosophes qui ne jurent que par l’exercice de minoration paraissent proposer, par leur théorie des minorités, de mener un combat pour le moins abstrait où l’on ne peut déterminer à qui ou à quoi s’en prendre dans les faits. Le problème devient alors le suivant : alors que les défenseurs de la minorité prétendent forger une pensée capable de nous libérer de toute forme d’hégémonie, de pouvoir, de prépondérance, cette pensée demeure elle-même susceptible, à raison ou à tort, comme le suggère du moins Schmuel Trigano, d’être associée tôt ou tard à une nouvelle forme de pouvoir, avec son propre cadre de référence, ses attentes, ses réquisits [15]. La difficulté à cerner avec précision l’air du temps actuel paraît d’autant plus grande que certains philosophes et historiens qualifient notre époque de pluraliste. À ce titre, par exemple, se penchant sur le phénomène religieux, Charles Taylor s’oppose aux théories dites « soustractives » et affirme que l’Occident n’a pas soustrait la religion de son espace au point de l’interdire, mais qu’il a diversifié et multiplié les possibilités de vie envisageables (il y a des athées, des agnostiques, des croyants, des religieux à la carte…), faisant de la religion une simple option parmi d’autres [16].    

Une position nuancée

Serait-ce à dire que Tristan Garcia nous invite à faire l’économie de tout langage qui oppose le minoritaire au majoritaire ? En mettant en scène des personnages dont les dialogues témoignent de certaines impasses liées à l’axe majoritaire/minoritaire, nous demanderait-il de rompre à jamais avec cet axe ? Rien n’est moins sûr. Lorsqu’on consulte certains de ses écrits, on constate qu’il est lui-même préoccupé par moments de dégager différentes idées ou pratiques communes et de s’en détacher. C’était le cas entre autres dans sa présentation de La meilleure part des hommes, « conte moral » qu’il avait soin de distinguer du genre de « l’autofiction » qui, dans un passé encore récent, avait la cote en France et ailleurs. Ce sera également le cas plus tard lorsque, à l’occasion d’une conférence, il cherchera à « ne pas retomber dans les ornières » [17] des œuvres d’art sans fin qui sont caractéristiques de l’époque contemporaine, dont l’aversion pour la notion de présence est bien connue. Ce sera le cas aussi dans sa thèse doctorale où il abordera de façon critique un lieu commun du XXsiècle, celui selon lequel l’art n’est pas une représentationmais plutôt une présentation. Enfin, et ce n’est là qu’un exemple de plus, ce sera par ailleurs le cas lorsqu’il défendra son ontologie plate en la reliant à la perspective spéculative contemporaine.
En effet, dans ce qui constitue jusqu’ici son maître ouvrage de philosophie, Forme et objet, Tristan Garcia fait en partie valoir sa position en soulignant qu’elle se distingue d’une tendance répandue de nos jours : « l’époque nous semble incliner vers des métaphysiques de l’accès, que le XXe siècle – auquel cet ouvrage propose en quelque manière de dieu adieu – a été une période de théorisation des modes d’accès aux choses plutôt que des choses : langage formel ou langage ordinaire ; phénoménologie de la conscience, de la perception ; ouverture à l’être ; structures de l’inconscient, structures des mythes ; normativité et procès de subjectivation ; autoréflexion et conscience critique… Et il fallait bien que le balancier bascule de l’autre côté. » [18] Mentionnons que ce souci de distance critique vis-à-vis de l’époque apparaît aussi chez les autres principaux penseurs spéculatifs, comme par exemple Quentin Meillassoux qui s’en prend au « corrélationisme », position « centrale de la philosophie moderne depuis Kant » [19], et Graham Harman qui, pour défendre le caractère novateur de son « ontologie-orientée-vers-l’objet », affirme que « c’est une opinion étrangement prédominante chez les philosophes modernes que les maisons, les montagnes, les rivières, en un mot tous les objets sensibles, n’ont aucune existence naturelle ou réelle, distincte du fait qu’ils sont perçus par l’entendement. » [20]
On peut en déduire qu’il n’est ni tout à fait impossible ni tout à fait inutile selon Tristan Garcia et les autres penseurs spéculatifs de s’adonner par moments à une peinture de l’époque. Non pas que l’objectif de Garcia soit de prendre le contrepied de lieux communs simplement parce qu’il s’agit de lieux communs ; mais il lui arrive à lui aussi, en bon esprit critique moderne, de s’autoriser à mettre en lumière des idées répandues pour mieux faire ressortir la valeur de ses positions. Encore une fois, je souligne que je ne cherche pas à révéler ici une contradiction dans l’œuvre de Garcia en montrant qu’elle oscille entre une mise en question de la pertinence de l’axe majoritaire/minoritaire et une description doublée d’une critique de certaines idées communes. Ce que je souhaite faire, plus fondamentalement et d’une manière que j’espère apaisante, c’est signaler que l’œuvre de Tristan Garcia, à l’instar du projet défendu dans « Critique et rémission » où il cherchait à réconcilier plusieurs idées, tend à rechercher un équilibre réfléchi entre l’exigence occasionnelle de dépeindre puis critiquer son époque et celle de penser en dehors de l’axe majoritaire/minoritaire. Ainsi, dans Forme et objet, après avoir dépeint le contexte actuel de la philosophie comme étant centré sur les métaphysiques de l’accès puis fait valoir l’originalité de sa position d’un point de vue historique, Tristan Garcia s’empresse d’ajouter d’autres raisons (non relatives à l’époque) d’adopter la perspective spéculative qu’il adopte. Dans La meilleure part des hommes, après avoir créé un dialogue où se révèlent les problèmes liés au discours des minorités stratégiques, il éclaire et excuse en une très belle conclusion les travers de ses personnages en soulignant qu’ils sont, au fond d’eux-mêmes, infiniment plus que ce qu’ils paraissent être en public. La dimension inclusive et rémissive de la pensée de Tristan Garcia se prépare donc tôt dans son œuvre.
Il faut signaler du reste à quel point les commentateurs qui saluent sa capacité à écrire des « romans générationnels » occultent un pan pourtant essentiel de sa pensée. Car en plus d’exceller à représenter certaines ambiances circonstancielles, comme c’est directement le cas dans La meilleure part des hommes et dans Faber. Le destructeur, et indirectement dans Les cordelettes de Browser, qui en dit long sur l’épuisement moderne, Tristan Garcia porte quelquefois un regard critique sur l’idée même de génération, de monde ambiant, d’époque. Et ces deux gestes philosophiques ne le conduisent nullement à se contredire. D’une part, dans « Critique et rémission » et le dialogue précité de La meilleure part des hommes, Garcia fait comprendre combien il peut être malaisé et intéressé d’essayer de capter l’air du temps dans l’intention simple de s’y opposer. C’est une manière de souligner que la quête de minoration n’est ni une condition nécessaire ni une condition suffisante d’un geste philosophique. Il arrive en effet qu’il soit à peu près impossible de déterminer si une position est majoritaire ou minoritaire, ce qui n’empêche pas d’essayer de sonder sa pertinence philosophique. Aussi n’est-ce pas simplement parce qu’on juge qu’une idée est répandue qu’il faut s’efforcer d’en prendre aussitôt le contrepied ; autrement, toute proposition proférée en public à un moment donné se condamnerait à devenir bientôt caduque du simple fait qu’elle a été proférée, défendue, endossée par certains. D’autre part, et en contrepartie, Tristan Garcia semble suggérer que la difficulté à capter l’air du temps ne nous empêche pas d’essayer, du moins dans certains contextes, d’identifier diverses tendances particulièrement prégnantes – identification qui assure du reste la possibilité pour une singularité de se détacher d’autres singularités. Il est d’ailleurs possible de considérer ces tendances non pas comme des idées dominantes et représentatives de toute une époque, mais comme des idées répandues parmi d’autres, et avec lesquelles il faut apprendre à négocier. C’est qu’on peut toujours se demander, comme Garcia le fait à juste titre dans « Critique et rémission », si les penseurs qu’on évoque comme des repoussoirs « suffi[sent] [vraiment] à incarner un siècle plein et entier ». (p. 259) Sans s’autoriser à relever l’existence de certaines idées répandues, ne serait-ce qu’avec une inexactitude patente, on aurait peine à cibler les idées importantes susceptibles de devoir être contredites, ou écartées, ou nuancées ; on réduirait à néant la possibilité de l’esprit critique et s’interdirait de laisser libre cours à l’envie qui prend lorsque, lassé par une idée ou une pratique répétées, on est subitement tenté de passer à autre chose. Tristan Garcia semble donc demeurer attaché d’une certaine façon à cet esprit critique et à ce désir de passer sans cesse à autre chose, bien qu’il lui préfère de plus en plus explicitement, à mesure que se développe son œuvre – et là s’exprime aussi en partie son désir d’innover –, un esprit inclusif de rémission qui s’articule à une ontologie plate et nuance la pertinence de l’axe majoritaire/minoritaire.

Qu’il présente sa propre pensée comme une métaphysique orientée vers l’objet ne doit d’ailleurs pas nous induire en erreur : s’il insiste plus volontiers sur les objets extramentaux, ce n’est pas pour se détourner à jamais de la relation sujet/objet, mais pour réhabiliter ce que l’époque lui semble avoir mis de côté, puis pour éviter de proposer « une pensée de notre pensée des choses » qui en vient toujours selon lui à « éclipser les choses » [21]. Les objets auxquels il s’intéresse ne sont pas uniquement les objets extramentaux que Graham Harman associe au domaine des relations interobjectales. Partisan d’une « ontologie libérale » (p. 278), Tristan Garcia s’intéresse plus aux « choses réelles » qu’aux « choses réelles » [22] et, délaissant l’injonction d’oubli de Nietzsche, il veut rendre justice à tout : les tables, les cercles carrés, Platon, l’intentionnalité, le film Léolo, la musique techno de Détroit, Facebook, la passion contemporaine de l’extrême, les relations sujet/objet, les relations objet/objet... Son ambition n’est ni de fonder une Theory of Everything qui expliquerait l’ensemble des phénomènes en les reliant entre eux, ni de reléguer certains objets dans la sphère poétique de l’indicible, ni encore d’asseoir son projet sur une base hégélienne, ce qui tendrait à enfermer le monde dans l’horizon de la conscience. Il veut orienter son esprit et le nôtre sur tout ce qui existe pour signifier que seule une ontologie complète est une véritable ontologie. Pour atteindre ses objectifs, il doit faire preuve à l’occasion d’esprit critique, mais aussi et surtout de beaucoup de rémission. C’est en tout cas ce qui ressort de plusieurs moments de son œuvre qui est certes encore très jeune, mais bien mature et immensément riche. Déforme-t-on sa pensée en la décrivant sous ces traits ? Libre à Tristan Garcia de le confirmer ou de l’infirmer. Mais, parce que cette description peut d’ores et déjà recevoir le statut de « chose », son ontologie n’aura peut-être d’autre choix que de l’accueillir. J’espère recevoir, pour cette raison, sa rémission.

Pierre-Alexandre Fradet

Notes :

[1] À ce propos, on peut se reporter entre autres à cette conférence disponible en ligne : https://sites.google.com/site/logiquecategorique/autres-seminaires/ontologie-plate/nimporte-quoi-est-quelque-chose-par-tristan-garcia-6-mars-2014(consulté le 30 mars 2015). Notons que les numéros de page inscrits dans le corps du texte sont ceux de la postface de Tristan Garcia, c’est-à-dire « Critique et rémission », in Mehdi Belhaj Kacem, Algèbre de la tragédie, Paris, Léo Scheer, 2014.
 [2] Tristan Garcia, Forme et objet. Un traité des choses, Paris, PUF, 2011, p. 18.
 [3] Ibid., p. 18.
 [4] Ibid., p. 12.
 [5] Gilles Deleuze, « Lettre-préface à Jean-Clet Martin », in Deux régimes de fous. Textes et entretiens 1975-1995, édition de D. Lapoujade, Paris, Minuit, 2003, p. 338.
 [6] Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 586.
 [7] Gilles Deleuze et Félix Guattari, Kafka. Pour une littérature mineure, Paris, Minuit, 1975, p. 29.
 [8] Anne Sauvagnargues, Deleuze et l’art, Paris, PUF, 2006, p. 139.
 [9] Gilles Deleuze et Félix Guattari, Kafka. Pour une littérature mineure, op. cit., p. 33. Voir aussi Mireille Buydens, Sahara. L’esthétique de Gilles Deleuze, Paris, Vrin, 1990 ; Jean-Claude Dumoncel, « Discours indirect libre et politique du bégaiement. La clinique du style selon Gilles Deleuze », in Adnen Jdey (dir.), Les styles de Deleuze. Esthétique et philosophie, Bruxelles, Les Impressions Nouvelles, 2011.
 [10] Gilles Deleuze, Cinéma 2. L’image-temps, Paris, Minuit, 1985, p. 200.
 [11] Tristan Garcia, La meilleure part des hommes, Paris, Gallimard, 2008, p. 128.
 [12] Ibid., p. 130.
 [13] Ibid., p. 132.
 [14] Sur le sujet, voir notamment Gilles Deleuze, « Jean Hyppolite, Logique et existence », in L’Île déserte. Textes et entretiens 1953-1974, édition de D. Lapoujade, Paris, Minuit, 2002 ; Gilles Deleuze, « Bergson, 1859-1941 », in L’Île déserte. Textes et entretiens 1953-1974, édition de D. Lapoujade, Paris, Minuit, 2002 ; Gilles Deleuze, « La conception de la différence chez Bergson », in L’Île déserte. Textes et entretiens 1953-1974, édition de D. Lapoujade, Paris, Minuit, 2002 ; Gilles Deleuze, Différence et répétition, Paris, PUF, 2005. Sur l’intuition et la chose en soi chez Bergson, voir par ailleurs Pierre-Alexandre Fradet, Derrida-Bergson. Sur l’immédiateté, Paris, Hermann, 2014.
 [15] Schmuel Trigano, La nouvelle idéologie dominante. Le post-modernisme, Paris, Hermann, 2012.
 [16] Charles Taylor, L’Âge séculier, trad. de P. Savidan, Montréal, Boréal, 2011. Voir également Jean Grondin, « Charles Taylor a-t-il des raisons de croire à proposer ? Grandeur et limites d’une justification de l’option métaphysique de la croyance par des enjeux éthiques », Science et Esprit, vol. 64, 2012, p. 245-262.
[17] Tristan Garcia, « Pour en finir avec la fin de l’art et les œuvres d’art sans fin », en ligne : http://www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=2618(consulté le 30 mars 2015).
 [18] Tristan Garcia, Forme et objet. Un traité des choses, op. cit.,p. 9-10.
[19] Quentin Meillassoux, Après la finitude. Essai sur la nécessité de la contingence, Paris, Seuil, 2006, p. 18.
 [20] Graham Harman, L’objet quadruple. Une métaphysique des choses après Heidegger, trad. de O. Dubouclez, Paris, PUF, 2010, p. 79.
 [21] Tristan Garcia, Forme et objet. Un traité des choses, op. cit., p. 8.
 [22] Ibid.,p. 10.



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