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L'instrumentiste / André Hirt

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Est-ce par défaut ou par chance que l’humanité s’est dotée d’instruments ?  On en restera à l’idée que dans les deux cas il s’agit d’une nécessité. Celle-ci connaît pourtant des aspects qui ne se recouvrent aucunement. Il a d’abord fallu se munir d’instruments pour assurer la survie (la chasse, puis l’agriculture, la guerre), il a fallu des instruments pour fabriquer d’autres instruments, enfin des instruments pour élaborer des outils. Tout ce long processus fut, on peut s’en convaincre, très empirique (même Spinoza l’accorde, car sinon il faudrait s’interroger de façon imaginaire et fallacieuse sur l’idée creuse d’origine temporelle, sur le premier outil, l’outil de l’outil, etc.). En somme, nous avons toujours déjà un instrument comme nous avons toujours déjà une idée : les deux sont réels et vrais.  Toutefois, il existe une autre forme de nécessité, moins vitale peut-être, mais tout aussi puissante qui porte plus loin encore que l’instinct de survie, celle d’incorporer à l’instrument qu’on tient sous la main (n’importe quoi : une peau, un tronc sur lesquels on abat un bâton, un roseau dans lequel on souffle par une fente…) sa propre présence, pour l’affirmer et lui conférer sens, à moins qu’il s’agisse de l’inverse, mais sans la moindre finalité, à savoir que l’instrument enregistre de lui-même ce que nous ne nous savions pas même être. Dans cette dernière hypothèse, qui engage la musique, on jouera moins de l’instrument qu’il nous jouera nous, nous tendant de la sorte un miroir dans lequel nous ne nous sommes jamais vus ni reconnus. Car il se joue de nous, il est imprévisible, surprenant et même sidérant en ce qu’il déplace ce que nous faisons et voulons intentionnellement faire : pensons-y un instant, au mieux du bois replié et collé, et quelques boyaux d’animal, un tuyau percé, une corde que l’on tend et que l’on fait siffler…
À défaut d’accéder aux origines, il est possible de reconstruire une logique et d’opérer quelques distinctions. L’instrument n’est pas directement l’outil. Le premier est ce avec quoi on procède et arrange une situation. Le morceau de bois n’est pas un outil, mais je l’utilise pour dégommer le fruit de l’arbre. L’outil, à l’inverse, possède une identité : la bêche, le tournevis, la clé anglaise, etc. Sa fin est destinée, repérable et connue. Elle appartient strictement au monde de la technique, qui n’est pas celui de la technologie (à la limite et sur cette limite, celle-ci se passe d’outils). Mais l’instrument n’est-il pas malgré tout un outil, ne le devient-il pas ?  Après tout, le violon sert à jouer du violon comme le marteau à enfoncer des clous.  L’identité de fonction s’arrête toutefois au moment où l’instrument de musique ne trouve pas dans son usage sa finalité (jouer du violon), ce qui fait au demeurant et au terme la différence entre un technicien de l’instrument et un musicien. On repère immédiatement la différence, sauf à être impressionné par la prouesse technique qui n’a pour équivalent que celui qui s’extasie devant la puissance mimétique d’un peintre et qui en fait le critère même de l’art.
C’est pourquoi, si l’instrument de musique possède tous les traits de l’outil (il est identifiable dans une culture, il se distingue plus ou moins clairement des autres instruments, il remplit une fonction d’expression spécifique dans un cadre musical donné), il s’en distingue en ceci qu’il garde précieusement sa nature d’instrument au-delà de sa fonction d’outil. Évidemment, un marteau peut avoir d’autres usages que d’enfoncer des clous, mais ce sera par défaut, dans une situation donnée. Un violon, en revanche et par exemple, ne se satisfait pas d’être joué d’une manière ou d’une autre, il ne trouve pas sa fin dans son seul usage. Par ailleurs, il ne vise pas à résoudre un problème d’ordre objectif, de même qu’il ne modifiera rien du monde. Objet du monde, l’instrument de musique n’est l’instrument de rien pour le monde. Ni outil et à peine un instrument, donc.
À quoi peut-il donc servir, puisque ce dernier terme en l’état s’impose ?   La facilité conduirait à avancer qu’il ne sert précisément à rien. Conservons donc le rien et promouvons son utilité. En effet, ce qu’il produit est incommensurable à son statut d’objet du monde. Les sons évanescents qui proviennent de lui ne s’objectivent jamais, pas même grâce à nos techniques d’enregistrement, dans la mesure où leur écoute met en œuvre une rétention à chaque fois particulière et déterminée à laquelle Husserl dans ses Leçons sur la conscience intime du temps n’a pas songé (non pas simplement retenir les sons passés pour suivre et constituer psychiquement la mélodie, non pas encore reconstituer de mémoire un air), mais ils modifient notre présence au monde, qui peut consister en une jubilation, la danse par exemple, un acquiescement à l’être-au-monde, un parcours spatial en celui-ci qui révèlerait la liberté dans la spatialité de même que la propre infinité et profondeur de cette dernière, ou encore un retrait, la méditation et la rêverie, en somme la constitution d’un autre temps et d’un autre espace dans le for intérieur.

De cet instrument, précisément on joue. On joue et on en joue. Et l’instrument a du jeu, c’est-à-dire qu’il ne se cesse de devenir et d’être autre chose que l’objet qu’il est. On peut dès lors comprendre en quoi il se distingue très radicalement d’un outil. Et c’est ce qui le renvoie nécessairement à l’instrumentiste. Mais que signifie au juste « jouer » ?  En l’occurrence le trait communément ludique n’est pas la finalité spécifique de l’activité en question qui, au demeurant, ne possède pas de contraire. Plus important est manifestement l’écart produit par l’activité eu égard à la réalité de l’objet que l’on utilise. Il en va ainsi, plus qu’analogiquement, comme pour la définition du mouvement chez Aristote (« l’acte de ce qui est en puissance, en tant que tel, voilà le mouvement »), c’est-à-dire non pas la réalisation de quelque chose qui n’était préalablement que virtuel, mais le déploiement de la puissance elle-même en tant qu’elle est appropriée à quelque fin. C’est ainsi que le violon n’était certes pas virtuellement dans le bois, mais que le bois s’est montré pleinement adéquat à être un violon, et encore que ce bois-ci a accédé à une plénitude et à une forme d’appropriation dans le violon (autrement dit encore, rien ne remplacera ce bois pour être un violon et le bois lui-même trouve dans son être-violon sa plénitude de bois). Cette référence philosophique permet de comprendre ceci, qui est crucial, que le schéma de la technique est ici très insuffisant et même inadéquat. La finalité technique n’est pas la finalité tout court, en tout cas pas celle de la matière, ou de la puissance. Ainsi, l’exécution d’une tâche se conforme certes à une planification en termes de forme et de matière, soit le projet et l’idée qu’on fera passer dans la réalité. Mais la vérité du mouvement lui-même et en lui-même n’est pas d’ordre technique. C’est la matière elle-même qui traduit sa puissance ou encore il existe une puissance de la matière et un acte de cette puissance. Ainsi, le fait de jouer du violon vérifie cela, en ce que justement l’instrumentiste vérifie la puissance de l’instrument. Il s’agit en réalité, dans cette affaire, de ne pas confondre deux réalités bien distinctes : d’une part la confection technique de l’instrument et d’autre part le jeu de l’instrument lui-même, soit la production d’une musique à partir de cet instrument. Et c’est par conséquent le jeu qui devient le critère de (la qualité de) l’instrument et non l’instrument qui fera le jeu, cet instrument fût-il déclaré d’une valeur incomparable. Pourtant, ce n’est pas que cette valeur soit négligeable, car la question reste suspendue de savoir si tel jeu est effectivement possible avec n’importe quel instrument. Toutefois, la règle qui vient d’être établie ne s’en trouve pas structurellement ébranlée. D’un matériau, il faut en somme tirer ou retirer non pas ce qu’il est techniquement en mesure de devenir en réalisant le projet ou l’idée, mais ce qu’il est en lui-même, ce qu’il devient lui-même, lorsqu’il est lui-même, ce qu’il faut entendre une fois de plus non au sens d’une finalité technique préétablie, mais au sens du jeu, précisément, ou de puissance. Ainsi, si c’est bien lorsque le violon sonne qu’il est violon, c’est en revanche lorsqu’il sonne d’une certaine manière qu’il remplit non pas sa fonction, de sonner comme un violon, mais de sonner de manière inédite et imprévisible. Le jeu met le violon en mouvement et déploie sa puissance de violon. Proprement, le jeu musical est dans l’impropriété de tout modèle. L’instrument, dans l’absolu, est donc quelconque. (C’est, on l’a vu, au commencement, la vérité de l’instrument.) Quelconque, assurément, à moins d’objectiver une qualité de l’instrument, d’en faire autre chose qu’un instrument, de lui reconnaître en lui-même des propriétés, qui deviendront vite contraignantes et qui commanderont le musicien. C’est en quelque sorte l’idéologie contemporaine de l’écoute. Mais prenons un contre-exemple : Simon Rattle ne fait aucunement la même chose avec la Philharmonie de Berlin, au même moment, que Claudio Abbado, et Pierre Boulez fait tout autre chose avec la Philharmonie de Vienne que Léonard Bernstein ; affaire non d’interprétation ni de jugement de valeur, car c’est l’orchestre qui sonne différemment.  
Rien ne le laisse mieux comprendre que la voix, qui peut être un instrument de musique. Certes, toute voix possède un grain, une amplitude et une tonalité fondamentale. Certes, il existe des voix plus belles que d’autres (plus suaves, plus puissantes, plus colorées). Et il existe des voix plus aptes à chanter tel rôle que d’autres (tout le monde ne peut pas chanter Lulu ou Elektra, Wotan ou Tristan : à cette fin, il faut évidemment un outil qui se combine avec l’instrument). Mais nul ne peut préjuger de la puissance exploratoire d’une voix, quelle qu’elle soit, repérable seulement et rarement lors de situations extrêmes (la joie et la jouissance, la douleur et la maladie, la colère ou la plainte). C’est lors de ces occasions qu’elle expérimente ce qu’elle ne se savait pas recouvrir, c’est aussi et surtout qu’elle s’apparaît à elle-même non comme un simple moyen d’expression ou une propriété au sens fort du terme (celle qu’elle se sait posséder), mais comme l’agent d’exhibition et de pénétration du soi. En vérité, elle devient, comme l’instrument matériel et objectif le sera dans la même mesure, un théâtre, une scène, sur et dans lesquels se jouera la partition subjective qu’elle s’efforce précisément de déchiffrer.
À ce titre, l’instrument ne peut se résoudre en seul moyen, qu’il est à l’évidence, bien que la distribution entre sujet, moyen, fin et objet s’évanouisse. Serions-nous quelque chose et quelqu’un pourvus de moyens, donc d’instruments, ou bien ne serions-nous jamais autre chose que pur moyen d’un sujet ou d’un objet indéterminés, instrument de nous-mêmes et pour nous-mêmes, et par conséquent et en toute rigueur instrument tout court ? L’homme, cet instrumentiste… Et au lieu de dire le vivant, l’ « homme » sentant, pensant et parlant, l’homo faberaussi, il faudrait remonter à la profondeur indéterminée de l’instrument qu’il est à lui-même. 
Car, au fond, chacun se joue soi-même. Ce qui est autre chose et plus fondamental encore que l’idée par ailleurs décisive de l’homme comme comédien (Diderot, Rousseau). Au demeurant, les deux philosophes que l’on vient de citer en sont bien conscients : Diderot, dans le Rêve de d’Alembert, évoque le clavecin ou l’épinette que nous sommes, et Rousseau fait dans les Confessions et ailleurs le partage entre la monodie de la musique de l’homme authentique et par conséquent non corrompu, et la musique agencée polyphoniquement à des fins d’agrément social. La conséquence est que deux sortes de musiques sont possibles : l’une que l’on joue et dont on n’est jamais que l’instrument, l’autre que l’on se joue en faisant vibrer l’instrument qu’on est. La première consiste en un certain usage méthodique de la parole, l’autre dans l’éveil d’une pensée, cet orchestre intérieur si peu accordé, qui doit préalablement trouver son accord et déployer comme sa création même ce qu’elle est. Se trouvent ainsi engagés le souffle de la pensée et son amplitude, les coups d’archet que l’on donne à ses cordes, l’épaisseur et la richesse des orgues que constituent les tuyaux et les boyaux du corps, la percussion et la rythmique que celui-ci est pour lui-même. (On songe ici, pour rappeler un grand musicien si méconnu, Robert Wyatt, batteur et surtout chanteur, à la voix improbable de fausset, un mélange d’enfant, de castrat et de narrateur de contes, qui, aussi bien avec le groupe Soft Machine qu’en solo, a produit une œuvre singulière et cohérente qui n’est que l’histoire de son corps, lui-même à jamais paralysé par une chute, découvrant et dépliant certainement dans sa voix la tonalité flottante de l’être-au-monde, sans la moindre compromission avec les attendus du monde lui-même).  

 Il s’avère à la fois si surprenant et si évident de constater que l’interprète au concert est moins le conducteur de l’instrument qu’il joue que le jeu induit par celui-ci. C’est l’instrument qu’il est qui est joué. Lorsque cet événement a lieu – il s’entend, il s’éprouve dans la salle –, alors la musique s’élève. La technique et tout ce que l’on considère par là se trouve assujettis par l’autorité de la musique. L’instrument de musique certes ne disparaît pas, mais à l’écoute et parfois même à la vision (Richter, Gould, Bernstein, Abbado dont l’antithèse serait le hiératisme purement instrumental, contemplatif et technique d’un Boulez), la cérémonie musicale ne consiste plus en un corps-à-corps entre l’interprète et l’instrument, mais en une corporéisation réciproque, un effort non plus tourné vers l’extérieur comme dans le travail et la technique, plutôt une plongée inquiète et interrogative dans l’existence. La musique : une question posée de l’existence à l’existence, du corps au corps et dans la tension les réponses toujours insuffisantes que l’instrument matériel à la fois permet et interdit – il fait en effet l’expérience de sa limite comme chez Richter, lorsque le piano à l’évidence ne suffit plus et cherche à s’excéder, au point de vouloir se briser, dans un instrument qui n’existe pas –,  le musicien se trouve face à l’instrument infini, insondable et parfois monstrueux, qu’il est.

Ce n’est pas parce que l’homme possède des instruments qu’il est musicien, mais c’est bien parce qu’il est musicien qu’il possède des instruments. Cette logique peu apparente, qui est comme on sait celle d’Aristote lorsqu’il considère la nature et la fonction de la main par rapport à l’intelligence, a pour elle de ne pas cliver et de ne pas réifier l’homme comme instance neutre et fermée sur elle-même, et dont toute l’action serait l’instrumentalisation de ses organes. Or ces organes, si l’on veut conserver ce termes, sont déjà des instruments. Autrement dit, l’instrument est premier naturellement, c’est-à-dire ontologiquement, et c’est de lui que l’homme doit jouer en jouant de lui-même.
Mais dans ce cas, qu’apporte la musique et en quoi l’usage du langage et la pratique des techniques ne suffisent-ilspas pour rendre compte de l’homme ?  Cela, Aristote ne le dit pas, du moins en ces termes. Tout l’effort du Philosophe est en effet de tendre vers la vie théorétique par laquelle l’homme accède momentanément à la contemplation de la vérité, à la limite donc de la fusion avec elle. Nous aurions ainsi et une définition de l’homme par sa finalité la plus extrême et une vérité disponible à laquelle il est permis accéder. Le moyen terme est constitué par l’usage de la pensée dans la pratique du logos,cette petite musique que rend la pensée, dont Platon, déjà, faisait l’éloge au début du Phédon en considérant que la philosophie est la plus haute des musiques en ce qu’elle déterminerait par sa puissance d’analyse dialectique l’harmonie des choses et de l’âme.
Toutefois, rien de tout cela ne nous est plus donné, ni la définition assurée de l’homme, ni celle de la vérité, encore moins la certitude de sa réalité objective et intemporelle. Quant à la pensée, elle est toute l’affaire. Car à bien comprendre, la musique révèle bien dans l’homme, lorsque précisément il joue de lui-même en se rythmant, se faisant résonner, en s’écoutant, en amplifiant sa respiration, en caressant sa peau, en portant sa voix, bref en se sentant et s’éprouvant lui-même, qu’il recèle en son tréfonds des vibrations comme autant de nervures dont il lui faut suivre le cours, comme autant de désirs dont les raisons et l’objet lui échappent. À chaque fois, dans la musique, il se trouverait devant son propre instrument, dont il ne sait pas jouer mais qu’il ne peut que jouer, et que donc il joue. Si la musique est si structurante de l’existence, c’est bien qu’elle porte un transcendantal de l’existence, à savoir une de ses structures fondamentales, et, comme dirait Heidegger, un existential. Davantage : on peut risquer l’idée qu’elle constitue l’existentialité comme telle, puisqu’elle n’est pas encore articulée, en particulier en logos, en projet, ni même en conscience. La musique comme bruissement de soi, comme émotion ou comme intensité vibratoires, dans un curieux mixte de chaos et d’ordre (d’ordre deviné dans le chaos et de chaos vertigineux ressenti dans le pressentiment de l’ordre), d’expressif et d’inexprimable, la musique, donc, se présente originairement dans l’instrument de soi qu’est l’existence, dont chacun se fait l’instrumentiste, le chef d’orchestre, alors même que la partition est présente, mais indéchiffrable et qu’aucune interprétation ne peut prétendre rendre en termes de vérité.

Reste évidemment la difficulté la plus grande, la première, liée au terme d’instrument lui-même. Il désigne en principe quelque chose de concret et de matériel (combien d’instruments ne dénombre-t-on pas dans les cultures et les civilisations aux formes les plus variées et aux possibilités expressives les plus inouïes ?), mais si on le réfère à ce dont il est le moyen, il apparaît comme une détermination possible d’un réel indéterminable. Or c’est ce qu’il s’agit de contester. Si la finalité de l’instrument technique peut toujours être assignée (les archéologues s’y emploient), celle de l’instrument de musique ne l’est pas. C’est ce qui l’associe au langage. Et de même que celui-ci est dans l’impossibilité de recouvrer sa propre origine et de se dire lui-même, de même l’instrument de musique n’est en vérité rien de déterminable en soi. Son nom est sans nom (le violon est autre chose que le violon, autre aussi que toutes les musiques qu’il joue). L’instrument ne fait pas la musique, il ne la détermine qu’en un certain sens, qui est second, puisque c’est au contraire la musique qui s’y réfléchit et s’y fait écho. En réalité, elle n’y trouve que ses voix, multiples et singulières ; elle y prend forme et apparence. Mais il n’est lui-même, jusqu’à son nom, qu’une apparence (ce qui ne signifie aucunement une illusion) : le siège matériel et sonore de l’innommable.
L’instrument, en effet, réside dans sa puissance d’invocation ; c’est en lui et à travers lui qu’elle a lieu, et qu’a lieu en sens inverse la parution qui fait échec à toute forme réifiée de médiation. C’est ainsi que la vérité de l’instrument est sa destruction ou son sacrifice. Pour l’occurrence la plus extrême, pensons au cérémonial de Jimmy Hendrix, mettant le feu à sa guitare après l’avoir brisée : au fond, nul artifice en cela, mais la rencontre de l’homme avec la puissance de la musique qu’il porte en lui comme son appartenance et qui le destine à la vocation d’instrumentiste.

André Hirt


-    -S. Richter at Carnegie Hall, 19 octobre 1960, Beethoven, Appassionata, in The Complete album collection, Live and studio recordings for RCA and Columbia (Sony).
-       -  Soft Machine Third(Moon in June avec la voix de Robert Wyatt), Columbia.
-Jimmy Hendrix, Band of Gypsys, Legacy Recordings.



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