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Channel: Strass de la philosophie
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Les chaussures de Russell contre les chaussettes de Zermelo

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Nous n'avons pas le choix... Nul « axiome de choix pour les chaussures, mais seulement pour les chaussettes » aurait affirmé Russell avec un sens de l'observation qui fait tout l'humour de la logique anglo-saxonne. La différence de la gauche et de la droite est évidente dans le premier cas. Mon pied rencontre la chaussure qu’il épouse sans aucune hésitation. Celle des chaussettes par contre n’est pas donnée. 
Par laquelle faut-il commencer ? Problème de philosophie première. Regarder l’une puis l’autre, en âne matinal. Sans impétuosité. C’est déjà l’histoire du chien d’Aristote qui reste planté entre son écuelle et un bol l’eau, à distance égale, tenté par les deux. Mais dans ce cas, il n’y a pas indifférence. L’urgence de l’eau fera qu’il s’y décide. Pour les chaussettes, c’est pire. On pourrait passer la matinée à les scruter sans diriger sa raison dans un sens ou dans l'autre (Descartes ne nous apprend-il pas qu’il nous faut conduire la raison suivant le sous-titre de son Discours et non se laisser conduire par elle ?) Il semblerait que sans une décision inconsidérée, rien ne se fera. La chaussette est saisie par un choix absurde et donc selon l'axiome infondé. Intervient un axiome, injustifiable qui nous fait débuter une journée pleine d’encombrements. 
Les chaussures sont des objets symétriques avec la différence de la gauche et de la droite qui est impliquée dans cette symétrie. Et devant la formule de Russell, je ne puis m’empêcher de songer aux chaussures de Van Gogh. Il semblerait que Les souliers de Van Gogh soient dépourvus de ce caractère reconnaissable comme Derrida devait nous l'apprendre. Ce sont les mêmes, chacun étant redevable au pied gauche et, par conséquent, seront immettables. Nous voici contraints à boiter avec le pied gauche, claudiquant du droit. Heidegger aura au moins eu raison par son titre, il s’agit bien de chemins qui ne mènent nulle part
Si les chaussures étaient des chaussettes, nous pourrions nous tirer d’affaire. Là, elles s’obstinent à une résistance qui ne nous laisse pas même le choix. Sans chaussures, aucune tenue, aucune sub/stance n’est possible et par conséquent, l’axiome du choix tombe à l’eau. Le paradoxe d’Ernst Zermelo qui suppose une décision non-fondée se trouve donc soumis à un problème plus grave quand les deux chaussures gauches nous laissent choir devant l’impossible. Au pari, à la résolution cruciale des décisions, les chaussures de Van Gogh/Russell superposent la souffrance de n’avoir encore rien à penser. A moins que penser ne commence au moment où nous n'avons rien à choisir, devant le vide, la difficulté et la douleur de ces chaussures immobiles. D'où la question de l'orientation, comment s'orienter dans la pensée?

© J.-C. Martin

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