A la sauce Zemmour, on ne sait pas pourquoi Deleuze devient individualiste et Nietzsche un chantre du progrès (cf: article de Zemmour sur Redecker dans le Figaro [1])... S'y décline en outre, une pensée d'arrière garde, avec l'idée d'un retour de Dieu. Pour preuve les exemples, le plan strictement empirique, au plus mauvais sens de la "doxa". Mais la "doxa" ne saurait donner raison à cette pensée qui voudrait prendre acte d'un fait malheureux pour dire ce qu'est notre temps, de façon si déclarative, arrogante. Nous ne pouvons arguer, en recourant aux constats les plus insipides, d'un quelconque retour de Dieu. C'est là une méthode antiphilosophique des plus sommaires. Lorsque Nietzsche annonce la mort de Dieu, les églises font salles combles et le clergé est à son acmé. Nietzsche n'a jamais pris acte de ce que les bancs religieux se soient vidés sachant l'engouement de chacun pour l'eucharistie ou d'autres rituels, actifs socialement parlant. Le diagnostic de Nietzsche ne saurait être factuel. "Dieu est mort" de ce que ses autels en montrent le ridicule et l'inanité, fût-il invoqué au nom de la santé de Rome, de la piété d'Israël ou de la puissance de l'Islam...
Tout ça pour Nietzsche doit être abordé sur le plan critique, transcendantal, celui de la fin du Sens Unique, de la multiplication des perspectives, conscient de ce que cette fable est éventée jusqu'au ridicule, quand les Dieux de la Grèce incarnaient au contraire une vitalité et, par contraste, des modules d'univers. Aucun univers ne sied plus aux religions qui sont aujourd'hui les nôtres, quelles que soient les proclamations qui s'en revendiquent et en montrent plutôt l'étroitesse que la grandeur. Ce que Hegel nommera "le comique". Il y aura sans doute un temps très long qui fera son sillage, saturé d'épouvantails divins qui, loin de montrer un quelconque retour du religieux, en relaiera le rire étouffant son sens d'être. Que des bombes puissent éclater en son nom, que la terre puisse se mourir de cette farce ne prêtera à l'idée de Dieu aucun corps ni aucune âme. C'est de cette finitude là que la philosophie aujourd'hui cherche à se relever pour la création d'un autre sens, philosophie peu connue certes mais qui a quelques siècles d'avance sur les voix de fausset d'un Zemmour et autres trépanés de Dieu.
La question est de dire d'abord que tout ce lamento de mots d'ordres politiques (depuis Bush qui nous assurait devoir prier pour nous jusqu'à ceux qui, issus des hordes qu'il a laissées derrière sa guerre stupide, décapitent pour donner un Etat et un corps à Dieu) ne tient pas. Et tous ces trous, ces statues antiques déboulonnées, tout ça n'a rien à voir avec un retour de Dieu. Un dieu dont un roi serait le corps, c'est terminé. Le christianisme finit sur un tombeau vide. Et je crois que toutes les religions ont fait cette expérience de sa mort, de sa chute en tant que corps. C'est compliqué à montrer même pour le christianisme médiéval qui entend le corps du Christ comme une cité, une communauté devenue européenne. Mais toutes ces tentatives conduisent à une impasse. Impossible d'associer à du religieux les gestes politiques qui s'en réclament sachant précisément qu'il ne reste que des simulacres de retour. Le corps du roi qui incarne le corps de Dieu s'est partout soldé par un échec. Partout, universellement. C'est cela que Nietzsche proclame. Plus aucun Dieu n'est le roi d'un monde, ne s'empare d'un monde sans se soumettre à la seule loi de la destruction, de l'apocalypse. On ne peut donc plus croire en Dieu dans sa forme politique si ce n'est de façon apocalyptique. Même en continuant d'y souscrire ont entre dans le nihilisme. C'est le dernier jugement qu'on puisse proclamer concernant un tel Dieu, celui de la fin, de l'extermination advenue. Je soutiens quant à moi (et dans un texte pour Dorian Astor et Alain Jugnon) que la théologie est libérée aujourd'hui de cette eschatologie pour d'autres créations, plus souples même que les malins génies de la philosophie, plus inventives encore. C'est en ce sens que Hegel pouvait voir dans la philosophie autre chose qu'une théologie. Pour Hegel le Concept déjà se libère de la religion, montre d'autres aventures qui sont celles de l'Esprit ... Qu'il y ait encore des héros, des expérimentateurs créateurs du concept, des aventuriers de l'extrême, j'en suis convaincu. Tout dépend quel sens donner à ce mouvement. Ce serait bien long de l'exposer ici.
JCM
[1] titre de l'article: Nietzsche est mort ou la revanche de Dieu qui n'est pas conforme à ce que dit réellement Redecker connaisseur de Nietzsche.
[1] titre de l'article: Nietzsche est mort ou la revanche de Dieu qui n'est pas conforme à ce que dit réellement Redecker connaisseur de Nietzsche.