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La philosophie dans le vortex (traduction anglaise par Christopher Satoorian)

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Il  y a quelque chose de bien plus profond que les nombres, de plus terrible que ces belles unités dont on se sert comme d’un outil en oubliant leur nature d’outil. Pour Riemann, nos calculs sont basés sur une qualité moins prévisible que les nombres. Qu’est-ce que cette qualité plus profonde ? Riemann dira qu'il s'agit d'un embryon, un embryonnement de l’espace, comme lorsque vous considérez le siphon de la baignoire où l’eau se soumet à un tourbillon au lieu de laisser compter son volume. Calculer le rapport de deux points sur ce tourbillon, ce n’est pas la même chose que de le mesurer sur la surface plane du bain. Nous voilà donc en pleine descente, devant une espèce de Vortex ou de Maelström dont, vous le savez, la science fiction raffole depuis la nouvelle qui s’intitule « Descente dans un maelström ».
Au cœur du tourbillon décrit par Poe, le navire qui dévale cet espace circulaire, ce cercle vicieux, prend une vitesse et rencontre des objets qu’on ne peut plus mesurer, évaluer avec les mêmes nombres que sur une mer calme. Il y a une distorsion affolante des distances qui deviennent incalculables en se servant des nombres habituels. Le maelström que nous décrit Poe est une espèce d’entonnoir où, comme pour le pavillon d’un saxophone, se dessine un espace dont la courbure est négative. Il s’agit d’un immense gouffre, d’un abîme sur lequel le navire pénètre dans les tréfonds des mathématiques. Je me permets si vous voulez bien de citer quelques phrases de Poe pour entrer dans cet art de compter qui est aussi un art de conter, ou de raconter une histoire. Voici ce qu’il dit : « Au-dessus et au-dessous de nous, on voyait des débris de navires, de gros morceaux de charpente, des troncs d’arbre, ainsi qu’un bon nombre d’articles plus petits, tels que les pièces de mobilier, des malles brisées, des barils et des douves ». Voici donc fixée une espèce de rubrique dont les éléments sont en déroute. Dans l’urgence de cette situation, au lieu d’agir, le narrateur, atterré, se perd en une étrange forme de suspens ou de « supense », un étrange délire dont voici la formulation : « je commençais dit-il à épier avec un étrange intérêt les nombreux objets qui flottaient en notre compagnie. Il fallait que j’eusse le délire, car je trouvais même une sorte d’amusement à calculer les vitesses relatives de leur descente vers le tourbillon d’écume ».
L’impossibilité physique d’agir se trouve détournée par la frénésie de penser. On bascule ainsi vers un art de calculer, vers un plan très spécial, un plan de stupeur qui suspend toutes les appréciations normales, l’évaluation naturelle des distances. S’en suivent des remarques, une série de considérations sur la géométrie, une étrange réflexion sur la vitesse et la forme des objets, Poe découvrant que la mesure, la métrique, les nombres pour évaluer tout cela dépendent d’autres choses que des règles de la géométrie classique, à savoir de l’incurvation du plan, de la courbure de l’entonnoir et de la vitesse des flux induisant autant de déformations de l’espace. En faisant ces réflexions, le narrateur va comprendre qu’il peut se tirer de là, sautant vers des objets dont la trajectoire était susceptible de remonter le cours de la gravitation comme certains filets d’eaux nappés de petits ballons rouges montrent des flux qui remontent le fleuve à contre-courant. On passe ainsi d’une mathématique abstraite à une mathématique vitale, d’une géométrie immobile à une géométrie fluviale.
On tout cas, on verra immédiatement par là que les nombres, un peu comme les ballons rouges sur l’eau ne fondent rien. Ils sont eux mêmes l’expression d’un autre principe, d’autres forces dont ils dépendent. Ce qui est premier, ce n’est pas le nombre, ce n’est pas le mathème mais le lieu : une espèce d’incurvation sur laquelle les nombres vont pouvoir se développer, une qualité de l’espace, une torsion qui fonde la quantité, qui gouverne le mètre. Et ce qui s’appelle normalement un mètre sur un plan, cela n’aura pas la même expression sur les pentes courbées du maelström. C’est comme si les barres parallèles du boulier était remplacées par un ordre spiralé de la répartition des nombres. Jetez ce boulier dans l’eau, avec les billes en bois numérotées et voyez l’ordre des nombres, la suite des entiers naturels entrer dans un autre groupe (Spirale d'Ulam, cf. image supra). Riemann sous ce rapport soumet la géométrie à la topologie et redécouvre la notion grecque du lieu que Descartes avait éliminée au profit du "point", croisement de y et de x. En renouant avec l’intuition des lieux, par l’analyse de sites, Riemann découvrira en effet que la mesure d’un triangle sur un plan ne correspond pas aux mêmes dimensions que sa mesure sur un entonnoir. Je ne sais s’il a lu Poe, mais sa dissertation sur Les hypothèses qui servent de fondement à la géométrie doit être parcourue comme une espèce de conte mathématique, même si la chose est évidemment bien ardue.
C’est étrange, les hommes n’ont pas eu à attendre la perception des trous noirs pour en imaginer la turbulence. Avant de songer au cœur de nos galaxies, notre imagination s’est emballée déjà autour de tourbillons océaniques, de typhons qui changent toutes les donnes pour autant que je me rappelle l’horreur de la nouvelle de Conrad au sujet d’un « Typhon ». Mais pour corser la chose, ou pour accélérer encore un peu la vitesse de ce manège, il faudrait renouveler la perspective océanique de Poe ou de Conrad, la projeter au cœur des galaxies, au centre d’un trou noir aspirant tous les points par une force vertigineuse qui dérègle la sévérité des mathématiques mises en demeure de penser tout autrement, ou de penser vraiment, de se mettre à penser ce qui les fonde. C'est-à-dire l’enfer !
Riemann est donc, dans l’histoire des mathématiques, un étrange magicien, quelqu’un qui a d’abord beaucoup effrayé ses collègues. C’est un étranger, immigré des mathématiques ou peut-être une espèce de barbare dont la réflexion ne sera prise au sérieux que par Einstein, renouvelant ainsi sa vision de l’espace. Riemann était aussi révolutionnaire que Galois bien plus jeune, jeune homme qui meurt à 18 ans avec une manière très féconde de grouper les équations. Mais Riemann sera autrement inventif, ouvrant partout des bifurcations, des cercles infernaux dont il montre la disproportion, l’excentrement. C’est un être aux propositions obscures qui fait trembler le système grec, la beauté grecque, celle apollinienne d’Euclide. Et il va montrer qu’on peut contester Euclide dont la manière de penser la géométrie était bien commune, trop commune.
Du mathème, il n’y a rien à attendre si on ne cherche pas un plan plus méphitique, plus grave qui n’a rien à voir d’abord avec les mathématiques et qui intéresse surtout les logiciens. Alors, quand le démon de la logique bouleverse les planifications des idéalités mathématiques, le mathématicien devant le siphon d’une baignoire, plongé dans ses sulfures, se verra appelé par une expérience, une expérience qui lui apprend que l’espace est un labyrinthe. Du boulier aux lignes équidistantes, on passe à un vertige dont les nombres vont sentir l’affolement en entrant dans un nouveau « groupe de transformation ». Voilà donc une expérimentation fort dangereuse des cercles de l’enfer, mettant à mal la logique classique et en premier lieu le principe de contradiction. Je ne vais pas parler du principe de contradiction d'Aristote pour le plaisir de faire montre d’un savoir. Simplement, je dirais que pour Riemann dire que « A n’est pas égal à non A », un tel principe n’est valable que sur la place d’un général quelconque comme Kléber à Strasbourg, quand on ne peut pas en même temps discuter avec tous les passants, sauf à imaginer un gueuloir, ce brouhaha que Flaubert aura expérimenté d’ailleurs en écrivant vraiment pour sentir la sonorité de son récit. Le principe d’Aristote, hostile aux interférences des voix est valable seulement dans un monde ordonné où les choses ne mettent pas en péril le rapport des éléments et des pensées, monde militaire des parallèles, monde des commandements incontestés, sauf sous la défaite d’une bataille. Riemann prend me semble-t-il la peine de descendre dans le gueuloir évoqué à l’instant. Il s’engage dans un espace saturé où s’affrontent des propositions contradictoires sans que nous puissions déterminer a priori laquelle est la bonne. La vérité axiomatique et générique, vérité de général, reste pour Riemann une plaisanterie pour des étudiants en mathématique. La vérité, les splendides vérités ne font pas du tout un événement pour Riemann, elles ne sont que des opinions qui s’ignorent comme opinion. En-dessous des vérités caporalisées, on ne peut pas ne pas entendre des cris sauvages comme ceux que Lovecraft expérimente en bravant les ténèbres. Partout la science doit recourir à la fiction pour entendre les clivages qui empirent et les chaines de raison qui éclatent, le boulier qui cède et dont les tiges se tordent en tous sens.
Voilà, c’est de ce côté-là que se tient ce que j’appelle le plurivers, c’est dans ces ténèbres que ma pensée de logicien chemine en se méfiant de la splendeur des beaux événements qui ne font rien arriver d’autres que des vérités trop Platoniques, trop cristallines comme une guillotine pour géométriser les hostilités. Je ne suis donc pas du tout Platonicien et refuse le réalisme qu’il impose aux Idées mathématiques. Souscrire à Platon, c’est entraîner les mathématiques sur un chemin où l’on ne pense plus que sous la juridiction d’un ordre sectaire comme celui qui règne dans la cité idéale autour de laquelle s’organise la « République ». Riemann quand à lui revendique une autre expérience du partage, un autre rapport des nombres que celui de la mesure et de la distinction en classes.
Pour Riemann, les nombres ne sont que des expressions, pas des principes. Ils sont comme les boules en bois qui flottent sur le maelström et dont le cadre des tiges métalliques aura cédé. Autant de propriétés dérivées d’un fond larvaire qu’il nous faudra bien investir. On peut dire que les nombres sont seulement des mécanismes utiles et non des axiomes sublimes. Riemann procède à une déconstruction de la géométrie au non d’une région obscure où circulent des lignes dangereuses qui font tout chavirer, y compris les principes les plus évidents comme ceux d’Euclide sur les parallèles. C’est pour cet affront non-euclidien que Riemann est célèbre. Ce penseur des mathématiques est un sorcier extraordinaire qui nous entraîne dans un monde où les parallèles se rencontrent. Cela peut prendre un tour complexe à démontrer mais on peut très bien l’imaginer.
Tracez des sillages parallèles sur la surface d’une baignoire avec des fils de peinture blanche et vous verrez bien que dans le tourbillon elles vont se mélanger et se rapprocher à partir du point de vidange. C’est ce genre d’espace qui impose sa loi, pas les nombres ! Ce sont les turbulences qui gouvernent et non les régularités. Quoi qu’il en soit, vous pourrez comprendre aisément qu’un monde où les parallèles se rencontrent sera de nature à déstabiliser toutes nos habitudes, procédant à une véritable réduction de nos croyances, une « réduction transcendantale » pour prendre un mot de Husserl. Et si je traduits un peu cet horrible barbarisme, je dirais que penser avec Riemann, c’est réduire les parallèles figées, c’est penser dans un monde peuplé de lignes au comportement aberrant vis à vis de nos certitudes séculaires, mais pour découvrir progressivement que ce monde pluriel, c’est le nôtre.
Platon avait besoin d’un autre monde pour parler des mathématiques. Riemann, lui, nous apprend que les mathématiques, c’est ici et maintenant, dans la caverne, dans le trou, dans le vortex d’une baignoire cosmologique où il engendre des cônes, des variétés d’espaces. Riemann trouve les Idées non pas dans le ciel éternel, il découvre l’Idée dans la caverne, dans la chute. L’événement n’est pas dehors, là bas, au-delà, transcendant. Il est immanent à l’espace sensible dans lequel nous sommes perdus. Il s’agit alors de prendre le navire, de partir avec Poe, sur le radeau qui tourne et se déplace dans le vertige d’un univers qui ne possède en réalité aucune unité. Le mot univers ne saurait sans doute convenir à décrire ce vertige. Il n’y a pas d’univers, pas de monde. Voilà pourquoi on pourrait dire que la modernité s’effondre avec Riemann à la fin du XIXe en même temps que la croyance à l’universalité d’un monde. Pour le dire mathématiquement, l’espace que conçoit Riemann est "un espace à n dimensions". Chacune de ces dimensions fonctionne selon des lois propres qu’on ne peut pas exporter ailleurs, à moins de les traduire dans un dialecte très compliqué, une intrication plurielle. Le réel c’est comme un mille-feuille. Sur chaque feuillet émerge un ordre, une organisation des parties qui ne doit rien à ce qui se passe sur un autre feuillet. Ils sont tous autonomes. Comme sur un bloc-notes dont les pages se vrillent en adoptant chaque fois une métrique propre, une géométrie singulière. Du coup, la distribution des nombres sur ce mille-feuilles, ne composera pas la même suite sur l’une des couches que sur les autres. Sur l’un des feuillets « deux » pourra suivre « un », tandis que sur l’autre « un » sera immédiatement suivi par « trois ». Chaque feuillet formera un groupe numéraire, une meute dont il y aurait chaque fois un poème particulier à construire. Je le dis rapidement en passant, c’est Galois qui au début du XIXe travaillera avec de tels groupes qu’on appelle des groupes de transformation. Il faudra ensuite attendre que les choses se décante jusqu’au tournant du XXe siècle.
Au carrefour des deux siècles, la croyance au monde perd son contour comme pour une variation de Mahler ou un dessin de Kandinsky. Mahler et Riemann habitent une même contrée agitée, tout à fait folklorique où les étoiles sont en guerre, où le chaos gronde de partout. La cinquième de Mahler n’est pas loin de ce folklore, de cette créolisation des espaces. Il y a là, véritablement ce que j’appelle une fin du monde, une fin du monde au profit d’un plurivers qui appelle une pensée du chaos plutôt que de l’événement ou encore l’assomption de certains principes surnuméraires.
Les mathématiques se sont beaucoup trop intéressées à l’infini et Cantor lui-même invente des nombres transfinis, pour ainsi dire surnuméraires, plus grands que tout nombre. Mais pour Riemann compter des transfinis ce serait encore une pensée organique, celle de la progression d’une suite, enchaînement « moderne » qui veut que l’infini on peut le sommer pour un, même dans les excès qu’il provoque par des nombres comme «Aleph » qui enchaîne des infinis au lieu de compter des unités simples. Mais c’est là une vieille habitude platonicienne qui veut que l’infini, on peut s’en accommoder en y esquissant des événements idéaux. Alors l’infini n’est plus qu’un tour de dialecticien, une opération à la mesure de notre humanité trop humaine. C’est une volonté mathématique d’épuiser un dénombrement énorme selon une opération idéale, abstraite. Les infinis ne peuvent pas vraiment faire peur aux mathématiciens platoniciens, toute la fortune des mathématiciens provenant de la certitude de parvenir au bout de l’infini. Mais qui nous dit que l’espace se soumet à l’infini dénombrable des mathématiciens ?
Il me semble que le monde contemporain a perdu cette illusion. Vous avez sans doute entendus parler des mathématiques du chaos, notamment Mandelbrot qui vient de mourir et auxquels je voudrais rendre hommage. Le chaos, c’est bien autre chose que l’infini, l’un est un ordre, l’autre une turbulence. On ne peut pas le traverser dans l’abstrait. On ne tient pas vraiment de compte quand on est dans le chaos, on ne peut compter sur lui, il fait exploser nos métriques, nos moyens de mesurer, sachant qu’il est la démesure elle-même, une démesure hylétique, infranuméraire, inframince, fractale. Sur le dos du chaos, il y a une chute des nombres plus qu’une élévation. Et c’est là que se joue aujourd’hui la véritable bataille des mathématiques plutôt que du côté de Cantor. Le livre que je nomme « Plurivers » n’est pas un livre de mathématiques sauf un chapitre sur Galois eu égard à la théorie des groupes que j’évoquais à l’instant. « Plurivers » a été pour moi une excursion tout autant artistique que politique. Il en va comme des carrés de Kandinsky. Ils s’effeuillent en parfaite connaissance des géométries non-euclidiennes qu’ils illustrent. On les sent qui dérivent sur un bloc-notes dont chaque page marque d’autres propriétés géométriques. C’est une époque où la peinture rêve d’une quatrième dimension de l’espace. C’est encore le cas de Klee et la construction chancelante des couleurs qu’il organise. C’est la notion de période qui m’intéresse chez Klee. Il développe tout cela par l’idée d’un pavage périodique du plan. Mais cette idée de période est très littéraire également comme je vais essayer de le montrer.
Une période est l’organisation d’une séquence constructible dans le chaos. Par exemple, on peut empiler des morceaux de sucre jusqu'à un certain point. Vous en ajoutez un et tout s’écroule. Comment compter un tel équilibre ? C’est tout à fait délicat a priori ou sans passer par l’expérience. Période est un mot qu’on peut décomposer en deux composantes. Il y a d’une part le préfixe «péri», qui donne la périphérie et l’ «ode» qui produit un certain rythme ou un retour. « Périodique » sera donc le mouvement d’une ode, une ode qui est odyssée, toute ode étant odysséenne. Nous voilà au cœur du vortex avec lequel j’avais débuté, un éternel retour qui ne charrie jamais les mêmes événements. Cette ode est en effet sur la limite du péri, du péril, du périphérique. Elle sera sujette à une force centrifuge qui déplace le tout lorsqu’on dépasse un certain point ou un seuil de vitesse. Il y a là disais-je grand péril… C’est que le péril est l’affect même du périodique, le péril vient du péri, de ce qui advient sur la périphérie et qui demande une certaine prudence. Comme le dit quelque part Jean-Luc Nancy Le mot expérience est lui-même construit autour de ce péril, péril de l’ « experiri », de l’empirisme qui empire, qui met le cap au pire. Il y a un mouvement d’empirer du péril sur lequel on trouve encore le « peirates », le pirate, le piratage de l’ode. « Périr, périphérie, période, expérience, piratage.. » sont un seul mot, une créolisation pour dire le chaos, pour construire la séquence fragile d’une régularité périodique dans le plurivers.
J’ai tout au long de mon livre cherché de telles séquences entre philosophie, art, mathématique et politique. C’était pour moi, reprenant un mot de James, une leçon d’empirisme radical parce que tout pluralisme nécessite de longer une période sur un pourtour chaotique. Il m’a semblé que le monde contemporain, c’était cette expérimentation périlleuse du chaos par rapport à la modernité qui se contentait de jouer sur des infinis dénombrables et, par conséquent, sur des événements qui ne pouvaient pas induire de véritables ruptures dans l’histoire de la modernité, une histoire sans cesse poussée par l’espoir d’une progression régulière. Le geste par lequel je rencontre les plurivers est donc diamétralement opposé à la tentative de la modernité ou de la postmodernité pour restaurer le compte total en formation au sein d’une histoire ou d’une structure. Deleuze et Derrida sous ce rapport sont plus proches des temps contemporains, de la contemporalisation des temps qui fait la figure de l’immonde dans laquelle nous sommes rentrés depuis Riemann, Mahler ou Kandinsky, très éloignée d’une «logique des mondes». Mais en suivant ce pourtour chaotique, dans la traversée périodique de l’enfer dont les cercles font se chevaucher les mondes les plus divergents s’ouvrent des modes d’existence dont les intensités sont autant de portes, de trouées éthiques pour rejoindre un autre paradis.
J.C. Martin
Conférence donnée à la Maison d'Amérique Latine, rue Solférino, reproduite in Enfer de la philosophie, Léo Scheer, p. 91




There is something much deeper than numbers, more terrible than these beautiful units that are used as a tool in their tool forgetting kind. For Riemann, our calculations are based on a less predictable manner than the quality of numbers. What is deeper than this quality? Riemann says it is an embryo, a 'embryonnement' space, such as when you consider the trap of the bathtub where the water undergoes a vortex instead of counting volume. Calculate the ratio of two points on the vortex, it is not the same as the measure on the flat surface of the bath. We are in full descent to a kind of vortex or Maelstrom which, you know, science fiction loves since the new entitled “Descent into a maelstrom.”


At the heart of the vortex described by Poe, the ship hurtles this circular space, this vicious circle moves at infinite speed and encounters objects that you can not measure, that evaluate with the same numbers as on a calm sea. There is a maddening distortion that becomes at incalculable distances by using the usual numbers. The maelstrom that Poe describes is a kind of funnel where , as in the flag of a saxophone, emerges a space whose curvature is negative. There is a huge chasm , an abyss in which the ship enters the depths of mathematics. Allow me if you will to quote a few sentences from Poe to enter into this art of counting but also, an art of storytelling, or telling a story. He says: "Above and below us , broken vessels , large pieces of timber, tree trunks , as well as many smaller items , such as we saw as pieces of furniture , trunks broken barrels and staves . " Here is a set of species under whose elements are routed. In the urgency of the situation, instead of acting , the narrator , aghast , is lost in a strange form of suspense or " Suspense " a strange delusion that the wording implies here : " I started he said to watch with a strange interest, the numerous objects that floated in our company. It was I that had delusions, because I even found a fun way to calculate the relative velocities of their descent into the vortex of foam . "



The Physical inability to act is blocked by the frenzy of thinking. This switches to calculate an art , to a very special plan, a stupor which suspends all normal assessments, an evaluation of natural distances. We will follow these remarks, a series of considerations on geometry, a strange reflection on the speed and shape of objects , Poe discovered that the metric measurement and the numbers to evaluate all of them depend on other things as rules, classical geometry and namely the plane of the curvature , the curvature of the funnel and the speed of flow inducing deformations of space . In these reflections , the narrator will understand that he can get out of there, jumping to objects whose trajectory was likely to go back in gravitation as some threads of water topped with small red balloons show flows back to the river against the current . We switch to an abstract mathematical vital to mathematics, a stationary geometry, a river of geometry.
On any case, we see immediately where the numbers are a bit like red balloons on the water. They are themselves the expression of another principle, other forces which they depend upon. What comes first, but not the number , it is not the matheme but rather a species of curvature on which numbers will be able to develop a quality of space, a twist that establishes the quantity that governs the meter. And what is normally called a meter on a plane that does not have the same expression on the curved slopes of maelstrom. It is as if the parallel bars of the abacus was replaced by a spiral around the distribution of numbers. Take this abacus in water, with balls numbered by each piece of wood and see the order of the numbers, the sequence of natural numbers into another group ( Ulam Spiral , cf. Picture above). Riemann in this report submits the geometry and topology rediscovered by the Greek notion of the place in which Descartes eliminated in favor of a "point" , crossing y and x . Reconnecting with the intuition of places, site analysis, Riemann discovered that in fact the measure of a triangle on a plane is not the same dimensions as it is measured on a funnel. I do not know if he read Poe, but his essay on the assumptions that underpin the geometry must be uncovered as a kind of mathematical tale, even when it is obviously very difficult.



It's strange , mankind did not have to wait for the perception of black holes to imagine the turbulence. Before thinking at the heart of our galaxy, our imagination has already packed around gyres, typhoons changing all the data as far us I remember the horror of the new Conrad about a "Typhoon" . But to complicate the matter , or to slowly accelerate the speed of the ride , it would renew the oceanic perspective of Poe or Conrad, this project is at the heart of galaxies and at the center of a black hole sucking all points by dizzying forces that disrupts the severity of mathematical formal thinking. We notice it shifts everything else, or it makes us really think, or begin to think that the so called bases are beyond the depths or …That is to say hell!



Riemann is in the history of mathematics was a strange wizard, someone who was initially frightened many colleagues. It is a foreign immigrant mathematics or perhaps a kind of barbarianism whose reflections will be taken seriously by Einstein, renewing its vision of space. Riemann was as revolutionary as was Galois who was a younger man who died at 18 years of age with a very fruitful way to group all equations. But Riemann was otherwise inventive , opening everywhere bifurcations, infernal circles, it shows the disproportion eccentricity . This was the obscure proposals that shook the Greek system , the Greek beauty , the Apollonian Euclid . And it would show that we could challenge Euclid, whose way of thinking was very common geometry, perhaps a little too common .
The matheme : there is nothing to expect if we do not seek a more serious noxious plan, which has nothing to do with math at first but has deeply interested logicians . So when the demon of logic upsets schedules and mathematical idealities, the mathematician before the siphon bath , deep in sulphides , will be called an experience , an experience that taught him that the space is a maze. Abacus to equidistant lines , we go to vertigo whose numbers will feel panic entering a new " transformation group ". So that's a very dangerous experiment, circles of hell, undermining the classical logic and the first principle of contradiction. I will not speak of the principle of contradiction Aristotle for fun watched all analogous knowledge. Simply, I would say that for Riemann say that " A is not equal to non-A " as a principle it is valid only on the place of any such General Kléber in Strasbourg . When we can not at the same time discuss with all passersby, except imagine a gueuloir this brouhaha that Flaubert has experienced elsewhere in writing and to really feel the tone of his story. The principle of Aristotle’s hostile interference is valid only in an orderly world; where things do not jeopardize the report of elements and thoughts , of the military world that is parallel to its commands of an undisputed world , except in the defeat of a battle. Riemann takes his bother to go down to the gueuloir to discuss the moment . This engages a saturated space, a clash of contradictory propositions without that which we can determine an a priori ‘good’ . Axiomatic truth and generic truth of general Riemann remains a joke for students in mathematics. The truth : beautiful truths are not at all an event for Riemann, they are only opinions that ignore such opinions . Below caporalisées truths one can not hear wild cries like those at the Lovecraft experiments which braved the darkness. Everywhere science must resort to fiction, to hear the hardened divisions and chains of reason burst, which makes the abacus and the rods shoot out ‘twisting’ in all directions.



Here it is that side that held what I call the pluriverse together , it is in the darkness of my mind where the logician travels distrusting the splendour of beautiful events that happen like any other that truths perhaps too Platonic , too crystalline like a guillotine to geometrize hostilities . I therefore refuse all Platonic realism that requires mathematical ideas. To subscribe to Plato, is the mathematical result on a path where we no longer think under the jurisdiction of a sectarian order as that which prevails in the ideal city around which organizes the "Republic ." Riemann claims to share yet another experience , another report of numbers, the distinction in classes.
For Riemann , numbers are only expressions, not principles . They are like wooden balls that float on the maelstrom whose frame of metal rods will be transferred . As derived from a larval background that we must invest in all properties. We can say that the numbers are only useful mechanisms and not sublime axioms. Riemann performs a deconstruction of the geometry rather than a dark region where dangerous lines overwhelm all around us, including the most obvious principles that of Euclid 's parallel . It is for this non- Euclidean gesture that sets Riemann apart from all mathematical thinkers. He is an extraordinary wizard who takes us into a world where that meets the parallel. This can take us to a complex turn, which we all can imagine.
Draw a parallel line on the surface of a bath with white paint and you will see that in the whirlwind they will mix and approach from the point of discharge. It is this kind of space that imposes its law , not numbers! These are turbulent governing and not patterns. Anyway , you can easily understand that a parallel world where they meet will destabilize all our habits , making a real reduction in our beliefs, a " transcendental reduction " to take a word from Husserl. And if I brought this little horrible barbarism , I would think that with Riemann, to reduce the fixed parallel is to think in a world populated by lines aberrant behaviour towards our secular certainties , but gradually discover that the plural world is ours.



Plato needed another world to talk about mathematics . Riemann , tells us that mathematics is here and now, in the cave , in the hole of the vortex of a cosmological bathtub where he produces cones , variety of spaces . Riemann found the ideas not in the eternal sky , he discovered the idea in the cave of the fall . The event is not out there, beyond, transcendent. It is immanent in the sensitive area in which we are lost. It is the moment to take the ship and leave with Poe, on the raft that rotates and moves in the vertigo of a world that actually has no unit . The word universe is probably not suitable to describe the dizziness . There is no universe , no world . That's why one could say that modernity collapses with Riemann and at the end of the nineteenth century along the same time that we had a belief in the universality of a world. To put it mathematically , space is designed by Riemann as an " n-dimensional space ." Each of these dimensions operates according to its own laws that can not be exported elsewhere , unless they are translated into a very complicated dialect of plural entanglement. The real is like a mille-feuille . On each sheet emerges an order, an organization of parties that owes nothing to what happens on an another sheet . They are all independent. Like a notebook whose pages twist adopting whenever own the metric, a singular geometry. As a result, the distribution of numbers on milfoil , do not dial the same suite on one of the layers on the other . On one of the sheets "two" may follow "a", while on the other "one" will be immediately followed by "three". Each sheet will form a group , a pack which he would individuate by a building poem. I say quickly in passing, is Galois, in the early nineteenth century work with such groups called transformation groups . It was not until things settled in the turn of the twentieth century.



At the crossroads of two centuries, the belief in the world loses its outline as for a variation of Mahler or drawing of Kandinsky. Mahler and Riemann live in the same rough country, quiet folk , where the stars are at war, where chaos is rumbling everywhere. The fifth Mahler is not far from the folklore of the creolization of spaces . There is really this … what I call an end of the world, end of the world in favor of a pluriverse calling a thought of chaos rather than the event or the assumption of certain supernumerary principles.



Mathematics is far too interested in infinity and Cantor himself invents transfinite numbers , so to speak supernumerary greater than any number . But Riemann count transfinite it would still be an organic thought, that the progression of a sequence , sequence "modern " which means that the infinite can summon for , even in excess it causes by numbers as " Aleph " which connects infinite instead of counting single units . But this is an old habit that Plato wants to infinity, we could live in there sketching ideals events. So infinity is not a tower dialectician , an operation to the measure of our humanity too human . It is a mathematical exhausting a huge under-count by an ideal , abstract operation will. The infinite can not really scare Platonic mathematicians , the whole fortune of mathematicians from the certainty of reaching the end of infinity. But that tells us that space undergoes infinite countable mathematicians ?
It seems to me that the modern world has lost the illusion. You 've probably heard about the mathematics of chaos , including Mandelbrot has died and whom I wish to pay tribute . Chaos , it is anything other than infinity , one is an order , the other turbulence . You can not cross in the abstract. We do not really take into account when one is in chaos, we can not count on him, he blew our metric , our ability to measure , since it is the excess itself, a hyletic excess, infranuméraire , inframince fractal . On the back of chaos, there is a drop in numbers more than elevation. And this is where today plays the real battle of mathematics rather than on the side of Cantor . The book I call " pluriverse " is not a math book but one chapter on Galois theory with regard to the groups that I mentioned a moment ago . " Pluriverse " was for me just as much artistic and political excursion. It goes like squares Kandinsky. They shed their leaves in full knowledge of non-Euclidean geometries they illustrate . One feels that drift on a notepad each page mark other geometric properties. This is a time when painting dream of a fourth dimension of space. This is still the case Klee and faltering construction colors it organizes. This is the notion of time I'm interested in Klee. He develops all by the idea of a periodic tiling of the plane . But this idea of the period is also very literary as I will try to show .
A period is the organization of a building block in the chaos. For example , can be stacked sugar cubes to some extent . You add one and everything collapses . How to count such a balance ? It is quite difficult without a priori or by experience. Period is a word that can be decomposed into two components. There is firstly the prefix "peri ", which gives the periphery and " ode " that produces a certain pattern or a return. " Journal " will be the movement of an ode , an ode which is odyssey, any ode being Odyssian . We are at the heart of the vortex with which I began , an eternal return that never carries the same events . This ode is indeed on the edge of the perished, of danger, of the device. It will be subject to a centrifugal force that moves the whole when exceeding a certain point or a speed threshold . There where I said ... This is great danger that the risk is the same affect of the journal, the danger comes from perished, what happens on the periphery and requires some caution. As said somewhere Jean -Luc Nancy The word experience is itself built around this risk, the risk of the " experiri " empire of empiricism , which is heading for the worst. There is a movement to worsen the danger to which we still find the " peirates " the pirate, piracy ode . " Perish , periphery , period, experience , piracy .. " are one word creolization to say the chaos to build the fragile sequence of a periodic pattern in the pluriverse .
I have throughout my book sought such sequences between philosophy , art, mathematics and politics. It was for me , taking a word from James, a special lesson in radical empiricism because all along, pluralism requires a period of chaotic edge. It seemed to me that the contemporary world was this dangerous experiment of chaos versus modernity that would just play on the countable infinite and , therefore, on events that could not induce real breaks in the history of modernity , history constantly driven by the hope of a regular progression. The gesture with which I meet the pluriverse that is diametrically opposed to the attempt of modernity or postmodernity and to restore the account of a total training within a story or structure . Deleuze and Derrida in this respect are closer to contemporary times , the times of contemporalisation which the figure of the foul we return to from Riemann , Mahler or Kandinsky, that is very far from a "logic of worlds." But following this chaotic periphery, in the periodic crossing of hell whose circles overlap and are the most divergent worlds that are open livelihoods whose intensities are so many doors , ethical gaps to reach another paradise .
J.C. Martin ,
Lecture at the Latin American House , rue Solferino , reproduced in Hell philosophy, Léo Scheer , p. 91



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